70 ans de la Patrouille de France, l’anniversaire d’un nom plus que d’une formation ?

Alphajet de la PAF



La base aérienne 701 de Salon de Provence a été le théâtre d’un anniversaire, aussi riche en spectacle qu’il a été arrosé par une météo capricieuse. C’est un peu ce qu’il restera dans les mémoires des spotters et spectateurs de tout ordre. Mais cet anniversaire, aussi beau qu’il put être, est aussi, pour le passionné et l’historien, l’occasion de s’interroger sur les origines de la PAF et de qui elle peut être l’héritière, sachant que son nom officiel n’est autre qu’une expression prononcée par Jacques Noetinger en 1953. 


De Patrouille d’Étampes à l’Escadrille de Présentation de l’Armée de l’Air n°58


La France a été une des pionnières des formations aériennes militaires d’acrobaties, et, bien avant 1953, les pilotes militaires volaient en patrouille serrée pour réaliser des acrobaties diverses. Avant même la création de l’armée de l’Air, des moniteurs de l’école de pilotage d’Étampes-Montdésir se produisirent dès 1931 en formation au sein d’un groupe qui se rendit célèbre avant-guerre sous le nom de Patrouille d’Étampes. Dirigée par le Commandant Raoul Augereau (qui n’en était toutefois pas pilote), cette patrouille de présentation de voltige aérienne comprenait trois pilotes à ses débuts : le Lieutenant Amouroux, et les Adjudant-chef Dumas et Carlier. Le rôle de cette formation aérienne composée de l’élite des pilotes de l’aviation militaire était initialement de démontrer, au sein des forces aériennes, les techniques de pilotage enseignées par l’École de Perfectionnement au Pilotage d’Étampes (EPPE). 

MS 225
Alignement des Morane Saulnier MS 225 de la Patrouille de l'Ecole de l'Air, en 1937 à Salon de Provence. 
Collection Charles Frédéric Trescases


 Pour autant, le rôle de la Patrouille d’Étampes ne s’arrêtait pas là. Très rapidement, la patrouille prit aussi un rôle de démonstrateur des performances des pilotes militaires français, et leurs prestations étaient régulièrement admirées par des dignitaires étrangers venus les visiter sur leur terrain de la région parisienne. En effet, cette patrouille ne se produisit à l’étranger que rarement, même si son aura fut vite internationale. Ses personnels ont régulièrement changé et c’est le Lieutenant Pierre Fleurquin qui en fut le Leader, après la mutation du Capitaine Amouroux. Fleurquin, cavalier et admirateur du Cadre Noir de Saumur, fut d’ailleurs l’inventeur du terme de voltige par analogie à l’art équestre, en remplacement de celui d’acrobaties aériennes. La Patrouille d’Étampes fut finalement déplacée à Salon de Provence, au sein de l’École de l’Air, par le jeu d’une dissolution puis création en 1937. Elle prend alors le nom de Patrouille de l’École de l’Air. Ses effectifs ont évolué, et lors de sa dernière présentation internationale, en 1939, elle était composée de dix avions monoplaces de chasse MS 225, qui ont remplacé les MS 230 biplaces d’entraînement des débuts. La Seconde Guerre mondiale met fin à l’activité de l’unité.

Stampe SV-4c
Stampe SV-4c de l'EPAA 58, porteur de l'insigne de l'unité sur la dérive. Etampes, 1952.


En 1946, elle est recréée à Tours où est stationnée temporairement l’EPPE (qui fut un temps active pendant la guerre à Casbah Tadla, au Maroc, une base dépendant de Marrakech et implantée 60 km au nord-est). Elle prend le nom d’Escadrille de Présentation de l’Armée de l’Air n°58 (EPAA 58), le rattachement avec l’École de l’Air n’ayant plus d’intérêt au yeux des nouveaux états-majors. Elle est équipée de Stampe SV-4 puis retourne à Étampes où elle est finalement dissoute en 1953. L’EPPE n’a pas non plus survécu à la réorganisation totale de l’Armée de l’Air après 1946. 


La Patrouille de Dijon


La création de l’Armée de l’Air, en 1933/1934 (le décret de création date de 1933 et la Loi fixant son organisation de 1934), voit l’émergence des groupes de chasse de la 7e escadre de chasse à Dijon. Ces unités sont issues de la 2e Brigade aérienne, et seules les dénominations changent. Les matériels et personnels restant en place… En 1934, le Groupe de Chasse I/7 composé des escadrilles Spa 15 Casque de Bayard et Spa 77 Croix de Jérusalem est commandé par le Commandant René Weiser. Ce dernier y crée une patrouille destinée à montrer le savoir-faire des pilotes de son unité. Trois groupes de trois avions, attachés les uns aux autres par des cordages, se produit sur des meetings aériens divers.

Patrouille Weiser
Le Morane Saulnier MS 225 numéro 15 du Groupe de Chasse I/7. Cet avion, codé 6 et utilisé par le "Cirque Weiser", comme la Patrouille a aussi été nommée, est vu ici de passage à Istres lors de son déplacement vers l'Italie pour un meeting aérien. 

Cette patrouille de Dijon, aussi surnommée Patrouille Weiser, gagne vite une immense réputation, et les pilotes qui la composent sont des pilotes opérationnels de l’unité. Elle est officiellement chargée de représenter l’Armée de l’Air française dans différents meetings internationaux. Ses premiers pilotes furent le Commandant Weiser, les Capitaines Dartois et Besse, les Lieutenants De Maistre et Nodel, le Sergent-chef Barrio, les Sergents Rebière, Bertrand et Littolf. La patrouille s’est éteinte d’elle-même lors de la mutation du Commandant Weiser, comme attaché de l’Air à Washington.


La Patrouille de France


Il fallut attendre 1952 pour voir de nouveau une unité opérationnelle créer en son sein une formation de présentation. C’est au Commandant Delachenal que revint cette première de créer une formation de quatre Republic F-84G, pour se produire dans les meetings aériens qui étaient à la mode à cette période dont, rappelons-le, elle était en pleine croissance de la tension entre les deux blocs, celui de l’Est et celui de l’Ouest. Les forces avaient besoin de l’adhésion des populations, qui devaient aussi se sentir protégées par des hommes de grande valeur, devant la menace grandissante d’un nouveau conflit d’envergure mondiale. Ces F-84G de la 3e escadre de Reims, se produisaient, le 17 mai 1953, sur la base aérienne d’Alger-Maison Blanche, en Algérie, et le commentateur officiel du meeting se laissa aller à qualifier la formation de Patrouille de France. Un terme officiellement validé par l’État-Major de l’Armée de l’Air, le 14 septembre 1953.

Fouga Magister

Dès ce moment-là, le destin de la patrouille de France n’était plus directement lié à celui de son commandant mais à celui des décideurs qui pensèrent bon de partager ce rôle d’ambassadeur au sein des différentes unités des forces aériennes françaises. Ainsi, en 1954, c’est la seconde escadre de Dijon qui reprend le flambeau, puis en 1955 la 12e escadre. En 1956, ce sont deux escadres qui se partagent ce rôle, la 12e pour l’étranger et la 4e pour la France. De 1957 à 1961, le rôle sera intégralement donné à la 2e de Dijon puis en 1962 et 63, c’est de nouveau la 4e qui assure ce rôle d’ambassadeur de l’Armée de l’Air. Pourtant, malgré son rôle indispensable aux yeux des décideurs, la Patrouille de France est victime des coupes budgétaires en 1964, le Mystère IVA revenant beaucoup trop cher pour cet usage. Pour ne pas faire mourir la Patrouille de France, ce rôle est attribué à la Patrouille de l’École de l’Air, recréée quelque temps plus tôt sur Fouga Magister. Depuis 1965, la Patrouille de France n’a plus quitté la Base aérienne de Salon et arbore, sur un des côtés de ses avions une version monochrome de l’insigne de l’École de l’Air, comme ce fut le cas à partir de 1937. 

En photo : La Patrouille en vol au-dessus des îles de la rade de Marseille dans les années 70.


Quel héritage ?


Dès lors, on peut comprendre cette querelle de clocher existant sur les origines de la Patrouille de France, certains l’attribuant aux unités de chasse qui ont partagé ce rôle d’ambassadeur à ses débuts et à la suite de la Patrouille Weiser de 1934. Mais d’autres, lui reconnaissent bien plus volontiers une filiation de la Patrouille d’Étampes devenue un temps Patrouille de l’École de l’Air. 

Mystère IVA
Deux Mystère IVA de la 8e escadre de Cazaux ont été décorés aux couleurs de la PAF peu avant leur retrait à la fin des années 70. Photo Eric Moreau.

Par ses évolutions et ses dépendances hiérarchiques, la Patrouille de France ne semble pas devoir être considérée comme héritière directe d’une lignée de Patrouille de Voltige militaire ou de Patrouille acrobatique, comme on la renomme aujourd’hui, mais bien d’un héritage multiple de toute la lignée de l’excellence et de la finesse de pilotage des pilotes militaires français. Quoi qu’il en soit, encore aujourd’hui, elle figure parmi les patrouilles acrobatiques militaires les plus prestigieuses au monde. Son autre nom n’est autre que La Grande Dame.

RVB

Sources : 


SHD/Air
https://www.lanouvellerepublique.fr/deux-sevres/deux-sevres-un-crechois-aux-origines-de-la-patrouille-de-france
https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Fleurquin
https://fr.wikipedia.org/wiki/Albert_Littolff
https://fr.wikipedia.org/wiki/René_Weiser
https://fr.wikipedia.org/wiki/Base_aérienne_102_Dijon-Longvic
https://air.defense.gouv.fr/patrouille-de-france/home-page/PAF https://fr.wikipedia.org/wiki/Escadron_de_chasse_1/7_Provence https://fr.wikipedia.org/wiki/Patrouille_de_France
Association Les Vieilles Tiges

Remerciements :


Hubert Challe
Charles Frédéric Trescases
BA 701 Salon de Provence, Armée de l'Air et de l'Espace

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