Les quatre principales erreurs à ne pas commettre quand on monte des maquettes d’avions historiques.

Je me suis dernièrement prêté au jeu de réaliser une maquette décorée précisément à partir d’une planche de décalques, et de sa notice, pour un auteur qui réalise actuellement un ouvrage sur une marque de décalques français des années 60-70 : ABT. Bien évidemment je me suis aperçu que le fabricant des décalques s’était mis les pieds dans le tapis pour bien des détails. Puis en étudiant ses productions un peu plus finement que jusqu’alors, j’ai réalisé que la planche utilisée était loin d’être la seule à présenter de nombreux défauts. Il m’a semblé utile d’insister sur quelques points majeurs de la qualification des sources utilisées pour réaliser une maquette historique. 

Bf 109 E-3 roumain, décoration ABT n°143.


L’analyse de la planche laisse apparaître les principales erreurs suivantes. 


Erreur dans le schéma de peinture proposé. L’avion est vert foncé uni sur toutes les surfaces supérieures. La teinte est un vert spécifique aux avions roumains et très proche de la teinte US FS34127. La notice donne un camouflage Splinter sur les ailes (erreur) composé de RLM02 (erreur) et de RLM 28 (grosse erreur). Le fuselage est donné lui RLM 28 intégral (grosse erreur). Erreur dans la version de l’avion proposée. La notice montre un avion à la verrière à pare-brise blindé de type Bf 109 E-4. L’étude de la documentation montre que l’avion était équipée d’une verrière de type Bf 109 E-3 dotée sur le terrain (front de l’Est, bataille de Stalingrad) d’un blindage additionnel. 

Notice Decals ABT n°143
Notice de la planche de décalques ABT n°143 , fournissant très bizarrement une référence bibliographique permettant de retrouver la photographie de l’avion (très mal) représenté dans cette pochette de décalques.



La planche propose 3 marques de victoires (oubliées sur la notice). La documentation montre qu’il n’y en a que 2. La notice propose de peindre la casserole d’hélice pour moitié en noir et pour moitié en blanc. La documentation permet de savoir que l’avion était rattaché au 7e groupe de la Luftwaffe et que les avions de ce groupe ont une casserole d’hélice peinte aux 2/3 en noir et 1/3 en blanc. Pour terminer, l’insigne (Donald Duck) proposé pour la queue est bleu foncé sur blanc alors qu’il doit être polychrome avec des détails dans d’autres couleurs. 

Une maquette est une représentation à une échelle précise d’un objet. Le but de la maquette est de restituer les spécificités de l’original qui a servi de modèle, et d’être le plus fidèle possible à la réalité. Cela va des dimensions et formes de la machine originale, mais passe aussi par la décoration complète ou les moindres détails. Le maquettiste sérieux se doit donc une discipline certaine pour réaliser un avion historique, surtout s’il souhaite l’exposer, voire le présenter en concours. Les chances de se trouver face à un jury qui saura détecter des erreurs est d’autant plus grand que le concours est important, même si aujourd’hui un aspect plus artistique est souvent retenu. 

Photo originale d'archive du Bf 109 E-3 roumain qui a servi de modèle



La certitude de représenter la réalité à l’échelle choisie se confronte à l’exactitude des sources utilisées, pour déterminer ce qu’était réellement la machine originale. Voici 4 erreurs à ne pas faire !

1/ Faire confiance au fournisseur de la maquette ou de la décoration. 

D’une part, il est très fréquent que le produit soit conçu dans des buts de rentabilité qui ne sont pas nécessairement compatibles avec le réalisme maximal. Le cas de la décalcomanie est particulièrement intéressant. Plus il y a de couleurs sur la planche, plus elle est chère à produire. Ainsi il y a souvent des teintes proches qui sont ramenées à une seule teinte. Le bleu des cocardes françaises est un exemple très commun. Cet article est focalisé sur les décorations, mais on peut mener la même étude sur la représentation des formes ou des détails d’un avion. D’autre part, la connaissance des sujets peut évoluer dans le temps. La représentation faite par le fabricant traduit ce qu’on savait à un instant T, données qui ont peut-être été contredites depuis, avec la découverte de nouveaux documents. Enfin, on ne sait pas la quantité de sérieux et de recherches qui ont été menées dans la conception du produit. La recherche préalable est un poste financier lourd dans la conception d’une maquette ou de décalques. Certains allègent ce poste de charge. 

2/ Se limiter à une seule source. 

Cela peut vouloir dire, bien sûr, de ne pas se limiter à la seule information fournie dans le produit, maquette ou décalques. Mais elle veut aussi dire qu’il ne faut pas se limiter à un seul document, à plus forte raison si ce n’est pas un document d’archive ou photographique. Beaucoup se limitent à reproduire ce qu’ils ont trouvé sur un profil en couleur, sans chercher si ce document est pertinent. On cite souvent « la licence d’artiste », dont quelques dessinateurs de profils (ou de plans) abusent largement. 

3/ Ne pas croiser les sources. 

 C’est une erreur très commune. Après avoir trouvé un premier document, on ne prend pas le temps d’en chercher d’autres pour savoir s’ils confirment les données trouvées dans le premier document. Plus on a de documents différents qui confirment l’information qu’on a trouvée, plus on a de chances que cette information soit exacte. Mais encore faut-il que ces différents documents ne soient pas des copies les uns des autres. Dans notre domaine, il est fréquent de trouver, dans une langue, un article ou un document qui a déjà été publié dans une autre langue, et que l’auteur a repris à son compte. 

4/ Ne pas vérifier l’origine des sources. 

Comme précisé au point 3, il y a souvent des copies d’informations d’un article ou d’un livre à l’autre, par des auteurs peu respectueux du sérieux historique ou documentaire. Il est donc vraiment important de se référer à un document d’époque d’archive (ou plusieurs, c’est encore mieux), ou un témoignage à chaud, pour confirmer l’information dont on veut se servir. Tout en sachant que, comme pour tout, l’erreur est humaine et qu’il arrive de trouver des erreurs dans des archives. C’est fréquent par exemple dans des numéros de série d’avions sur des carnets de vols ou des cahiers d’ordre d’unité. On a aujourd’hui la chance d’avoir des archives ouvertes, qui ne l’étaient pas dans les années 60 ou 70, et on connaît donc aujourd’hui beaucoup plus de choses qu’à cette période. Les auteurs qui maintenant encore utilisent des livres de cette époque pour écrire leur prose ont de fortes chances de répéter des erreurs infirmées par des documents retrouvés depuis. 

Bf 109 E-3 roumain, Hasegawa 1/72



On peut toutefois nuancer un peu cette petite étude en mentionnant que certaines marques aujourd’hui font preuve de beaucoup de sérieux dans leurs recherches pour nous présenter des produits justes. Il y a toutefois toujours aujourd’hui de grosses surprises chez certains. Ces quelques conseils restent donc d’actualité. 

Bonnes recherches, bons montages ! 

RVB
15/09/2025


Sources & Bibliographie :

Photographie : DR



Merci pour votre lecture et vos commentaires ou questions.

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